Le 3 juin 2007
Madame la Ministre, M. l’adjoint au maire, M. le Président du Comité permanent, Excellences, Mesdames et Messieurs,
C’est avec une grande fierté que je m’exprime aujourd’hui devant vous, alors que s’ouvre la 14e session de la Conférence des Parties à la CITES, accueillie par mon pays, les Pays-Bas. Je suis vraiment très reconnaissant au Gouvernement néerlandais, et à madame la Ministre Gerda Verburg en particulier, d’avoir invité la CITES à La Haye et je voudrais complimenter le maire et M. Baldewsingh, l’adjoint au maire, qui ont fait de La Haye la ville formidable qu’elle est aujourd’hui. Je tiens aussi féliciter Melle Petra Berger. Tant qu’il y aura des gens qui chanteront comme elle, le monde ne sera pas ce lieu sinistre trop souvent dépeint et sa première chanson, The Circle of Life, reflète tout ce que la CITES représente.
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Mesdames et Messieurs, nous ne savons que trop que beaucoup d’espèces animales et végétales sont menacées par les conséquences d’activités humaines : destruction des habitats, braconnage, surexploitation et pollution, par exemple.
Et ces menaces n’ont cessé de s’amplifier, à mesure que la croissance démographique, le développement, la pauvreté et la guerre mettaient à l’épreuve l’aptitude à survivre des animaux et des plantes. Parallèlement, le commerce international faisait monter la pression sur de nombreuses espèces.
En plus de 30 ans d’existence, la CITES n’a donc rien perdu de son importance d’instrument juridique international au service de la conservation de la biodiversité. Bien au contraire, dans la lutte engagée pour que le commerce ne porte pas préjudice aux espèces sauvages et contre le commerce illicite des plantes et des animaux sauvages, elle est aujourd’hui plus importante que jamais.
Pendant ces 30 et quelques années, la CITES s’est montrée à la hauteur des circonstances changeantes. Elle a constamment mis au point de nouveaux outils pour que ses Parties puissent faire face, efficacement, à l’évolution du commerce, à l’emprise toujours plus forte du crime organisé sur le braconnage et le commerce illicite et à bien d’autres défis posés par la conservation des espèces sauvages.
La CITES a grandi et a mûri.
Les annexes de la Convention, ces listes d’espèces dont le commerce est réglementé, sont toujours aussi dynamiques mais, globalement, leur taille s’est plus ou moins stabilisée à mesure que des espèces étaient inscrites ou supprimées, à chacune de nos conférences.
Les règles et les procédures CITES se sont muées en un système cohérent et bien établi de promotion du commerce non préjudiciable et de la conservation des espèces sauvages. La CITES a aussi appris à équilibrer conservation et utilisation durable et à concevoir différentes stratégies pour différentes situations.
De plus en plus, la CITES œuvre au renforcement mutuel de la conservation et à la réduction de la pauvreté. Je veux insister ici sur la contribution majeure de la CITES à l’Objectif 1 du Millénaire pour le développement. Si l’on veut réduire réellement la pauvreté et promouvoir le développement, il est essentiel d’atteindre une croissance économique soutenue et diversifiée. Le commerce, cela semble évident, est un moteur puissant de la croissance et c’est là que la CITES entre en scène. Les échanges commerciaux conformes aux dispositions de la CITES sont, par définition, non préjudiciables aux espèces ou à leur rôle dans les écosystèmes et le commerce qui n’est pas autorisé par la CITES cesse d’être une menace pour les espèces et les écosystèmes.
La CITES est aussi un moyen d’inscrire les principes du développement durable dans les politiques nationales et d’inverser la tendance à l’érosion des ressources de l’environnement. Elle aide, en outre, à gérer les écosystèmes dans le souci d’assurer un environnement durable (Objectif 7 du Millénaire pour le développement); des écosystèmes qui fournissent des services qui maintiennent les moyens d’existence de l’humanité.
Nul ne contestera que les espèces sauvages sont essentielles pour les moyens d’existence et la croissance économique, vitales pour la vie et le bien-être des communautés locales et que bien des régions rurales dépendent d’elles. Le rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF) intitulé Species and People: Linked Futures, présente des études de cas sur la contribution de la conservation des espèces sauvages aux moyens d’existence ruraux et aux Objectifs du Millénaire pour le développement. Il constate que les problèmes menaçants pour les espèces sont souvent les mêmes que certaines des causes de la pauvreté ou y sont étroitement apparentés : marginalisation des communautés rurales, gouvernance déficiente et instabilité politique, par exemple.
Ce sont les pauvres, en milieu rural, qui vivent dans les régions naturelles et utilisent les ressources naturelles pour survivre. Le rapport du WWF conclut que la conservation des espèces peut être efficace – et l’est en effet – notamment pour réduire la pauvreté et améliorer les moyens d’existence.
La CITES et les moyens d’existence: ce sera l’un des thèmes de cette session. L’Union européenne et plusieurs pays d’autres continents présentent une proposition qui s’articule autour du fait que la Conférence des Parties a déjà reconnu que l’application des décisions d’inscription d’espèces aux annexes CITES doit tenir compte des effets potentiels sur les moyens d’existence des pauvres. Cet argument a été mal compris par certains. Il importe donc de préciser que cela ne peut pas, et ne doit pas, empêcher l’inscription d’espèces sous prétexte qu’il y a ou qu’il pourrait y avoir un risque pour les moyens d’existence. Les espèces sont inscrites en vertu des critères biologiques scientifiques établis par les Parties, mais l’application du régime commercial correspondant devrait tenir compte des intérêts des pauvres et de leurs moyens d’existence. Si, par exemple, il est nécessaire d’interdire le commerce international d’une espèce, il existe, bien souvent, des moyens d’autoriser la poursuite de certaines activités. Je pense notamment à la chasse aux trophées dont les bénéfices devraient aller aux communautés locales qui partagent l’environnement des espèces concernées. Lorsque ce n’est pas le cas, d’autres organisations internationales ou donateurs devront assurer une compensation équitable pour la perte de revenu des communautés rurales.
J’attache beaucoup de prix au rôle qui peut être celui de la CITES dans ce contexte et je trouve dommage que ce rôle soit rejeté par ceux qui prétendent que la CITES ne doit pas sortir de son « mandat » d’origine, tel qu’ils le voient, à savoir la protection des animaux et, dans une moindre mesure, des plantes, mais certainement pas des êtres humains. Il est fort surprenant qu’ils se refusent à voir l’ensemble du problème, si clairement illustré dans le rapport du WWF que je viens de mentionner.
Les Parties à la CITES ont décidé d’élaborer des législations et des politiques nationales pertinentes pour encourager l’adoption de mesures incitatives économiques capables de promouvoir et de réglementer la gestion durable et le commerce responsable des espèces de la faune et de la flore sauvages. Dans ce cas aussi, les critiques fusent de la part de ceux qui soutiennent que le rôle de la CITES n’est pas d’encourager le commerce. J’en conviens, de tout cœur, avec eux, mais en fait ce n’est pas le but. Nous n’encourageons pas le commerce mais lorsqu’un pays souverain décide d’exploiter une espèce sauvage pour le commerce international, nous devons nous assurer que cela se fait de manière durable, conformément à la CITES. Nous n’encourageons pas le commerce, nous encourageons le commerce durable, et cela par le biais de mesures incitatives, économiques et sociales.
La question est de savoir comment le respect de la Convention peut être rendu plus attrayant que le non-respect. Les Parties ont eu tendance à mettre davantage l'accent sur le recours au respect coercitif et à la lutte contre la fraude, ce qui est un des points forts de la CITES – tout à fait unique dans le monde des conventions multilatérales sur l'environnement. Cependant, il est de plus en plus reconnu que l'usage de mesures incitatives spécifiques peut aussi beaucoup contribuer à l'application efficace de la CITES.
Outre empêcher que davantage d'espèces soient menacées, la CITES a démontré qu’elle peut efficacement sauver des espèces de l'extinction. En levant des interdictions de commerce plutôt qu'en les imposant ou en les maintenant. Parmi les exemples de crises qui ont connu un dénouement heureux, je citerai la vigogne d'Amérique du Sud et le crocodile du Nil, deux espèces dont la survie a été assurée lorsque la CITES a transformé leur laine et leur peau en biens précieux, gérés durablement dans l'intérêt des communautés locales. Je pense aussi aux effets positifs de la CITES sur la conservation des esturgeons et de l'éléphant d'Afrique.
La CITES a fait ses preuves en tant qu'outil efficace et solide pour la promotion tant du commerce non préjudiciable que de la conservation. Ce faisant, elle a attiré 171 Parties, y compris les principaux pays qui pratiquent le commerce des espèces sauvages. Des organisations non gouvernementales toujours plus nombreuses s'engagent activement aux côtés de la CITES comme on peut le voir au nombre de participants à nos sessions. La CITES est devenue une machine perfectionnée et ses conférences sont des événements mondiaux de premier plan.
La présente session n’y fera pas exception, d'autant plus qu'elle sera décisive pour le rôle que jouera la CITES, ou qu’elle sera autorisée à jouer, dans les années à venir.
Les gouvernements sont exigeants et attendent beaucoup de la CITES; ils reconnaissent sa compétence et sa valeur. L'efficacité avec laquelle la CITES gère les questions «traditionnelles» relatives aux espèces sauvages a convaincu les gouvernements d'élargir son rôle vers le soutien du développement durable. On a longtemps considéré que les espèces qui font l'objet d'une pêche commerciale ou qui sont exploitées par l’industrie du bois ne relevaient pas de la CITES mais plusieurs sont aujourd'hui inscrites aux annexes.
La présente session examinera des propositions d'inscription d'espèces de poissons et de bois tropicaux et, pour la première fois dans l'histoire de la CITES, une réunion ministérielle discutera non seulement de la nécessité de renforcer l'application de la Convention mais aussi du rôle que devrait jouer la CITES dans la conservation des poissons et des espèces exploitées pour leur bois.
Les espèces exploitées pour leur bois qui ont été, à ce jour, inscrites aux annexes CITES, l'ont été bien trop tard, alors qu’elles étaient déjà commercialement éteintes ou pratiquement éteintes.
Parmi les questions qu'ils aborderont la semaine prochaine, les ministres devront déterminer comment la CITES peut être utilisée plus rapidement pour compléter les accords de gestion relatifs aux poissons et aux espèces exploitées pour leur bois. Il va de soi que si l'on veut être efficace dans ce domaine, une collaboration étroite est de rigueur avec des organisations telles que la FAO et l’OIBT mais le secteur privé devrait aussi être étroitement associé aux efforts.
Consolider les réalisations de la Convention dans le monde entier, maintenir les progrès accomplis dans de nombreux pays en développement pour gérer durablement les espèces sauvages, permettre à d'autres pays en développement d'améliorer leur situation, être actif dans de nouveaux domaines politiques et inscrire davantage d'espèces à valeur commerciale: toutes ces activités nécessitent des ressources suffisantes.
Malheureusement, de nombreux gouvernements ne sont pas prêts à les soutenir en apportant les moyens financiers nécessaires, tant au niveau national qu'international. En réalité, nous pourrions être confrontés à une crise financière sans précédent pour le Secrétariat et notamment ses activités en faveur des pays en développement. Si les Parties ont réellement l'intention d'atteindre les objectifs de la nouvelle Vision de la stratégie qui devrait être adoptée à la présente session, et si elles souhaitent vraiment que la CITES s'implique dans le domaine des espèces d'importance commerciale et dans d'autres nouvelles activités, il faudra consentir une augmentation importante des contributions au fonds d'affectation spéciale et des contributions volontaires.
Je suis donc très reconnaissant à madame la Ministre Gerda Verburg qui a pris l'initiative de débattre de ces questions importantes avec un grand nombre de collègues, dans un effort sans précédent visant à placer la CITES en haut de l'agenda politique, à faire évoluer le rôle de la CITES et à garantir que les ressources nécessaires à cet effet soient mises à sa disposition.
Mesdames et Messieurs, je vous ai brossé un bref tableau des réalisations de la CITES depuis 30 ans, réalisations dont nous avons tous lieu d’être fiers.
J’ai esquissé ce qu'il faut attendre, à mon avis, de la présente session. J'ai exprimé mes inquiétudes et mes préoccupations concernant l’assise financière de la Convention et les difficultés de financer le programme de travail ambitieux qui résultera de cette session. Je souhaite, j'espère, que dans les deux prochaines semaines, des réponses positives seront trouvées à toutes les questions qui vont nous occuper, que l'évolution future de la Convention sera garantie et que la CITES restera l'outil important qu'elle est aujourd'hui pour la protection des animaux et des plantes sauvages pour les générations futures.
Nous serons beaucoup aidés dans nos débats par les excellentes installations mises à notre disposition par le Gouvernement des Pays-Bas et par l'hospitalité du peuple néerlandais et de la ville de La Haye en particulier auxquels, une fois encore, je veux exprimer ma gratitude, au nom de tous les participants. Je voudrais aussi remercier le personnel du Ministère de l'agriculture, de la nature et de la qualité alimentaire, le personnel de Mme la Ministre Gerda Verburg, pour la quantité phénoménale de travail qu’il a consacrée aux préparatifs et à l'organisation de la présente session. Enfin, je voudrais remercier mon propre personnel qui n’a pas ménagé ses efforts pour préparer cette session ainsi que pour la grande qualité des nombreux documents produits. Je suis fier de vous!
Mes chers amis, représentants des Parties à la CITES et des organisations non gouvernementales: l'occasion est rare de rencontrer tant de collègues et tant d'amis en un même lieu, pendant deux semaines. J'espère que vous en profiterez tous et que vous apprendrez les uns des autres. Les enjeux sont parfois élevés et vous ne serez pas toujours d'accord. La CITES a ceci d'unique que nous votons sur les choix proposés mais toujours après un débat équitable et après avoir entendu de nombreuses opinions, celles des délégués mais aussi celles des représentants des ONG. Nous venons de différents continents, de différentes cultures, de différentes opinions mais nous avons un seul but: conserver la nature. Ici, personne ne perd tant que la conservation gagne. Et pour que cela soit le cas, je vous souhaite à tous beaucoup de sagesse dans vos délibérations.
Mesdames et Messieurs,
Je déclare ouverte la 14e session de la Conférence des Parties à la CITES.
Merci.