DISCOURS D'OUVERTURE DE WILLEM WIJNSTEKERS, SECRETAIRE GENERAL DE LA CITESVos Excellences, membres du corps diplomatique, Mesdames et Messieurs.
Tout d'abord, je tiens à féliciter le Gouvernement chilien d'avoir pris la décision d'accueillir cette session - décision qui témoigne d'une vision de l'avenir et de beaucoup de courage et qui a nécessité la mise en œuvre d'importantes ressources humaines et financières. Un très grand nombre de fonctionnaires chiliens dévoués ont travaillé de longues heures pendant près de deux ans à faire de cette session de la Conférence des Parties la plus réussie de toute l'histoire de la CITES. Je les connais bien maintenant et je ne doute pas que dans deux semaines, nous pourrons dire qu'ils ont atteint leur but. En exprimant ma sincère gratitude au Gouvernement chilien qui accueille cette session, je m'exprime - j'en suis sûr - au nom de l'ensemble des délégués venus de plus de 150 pays, et des participants qui, en nombre impressionnant, représentent des organisations non gouvernementales du monde entier et la presse mondiale, qui sont réunis pour deux semaines dans la belle capitale de votre magnifique pays. Je tiens également à remercier les autorités de l'aéroport et la ville de Santiago pour les dispositions qu'elles ont prises afin de faciliter l'arrivée et le séjour des délégués et garantir leur sécurité.
Cette session est importante pour l'avenir de la CITES, pour la conservation des espèces animales et végétales sauvages de notre planète et la sensibilisation du monde entier aux problèmes liés aux espèces sauvages en général, et pour la sensibilisation du public à la conservation de la nature au Chili et en Amérique latine en particulier. Elle offre aux organisations non gouvernementales et aux médias du Chili et de toute l'Amérique latine une occasion sans précédent de suivre l'évolution de la CITES. Les retombées d'une telle réunion sont considérables et difficiles à mesurer mais les ressources investies pour accueillir la session apporteront certainement des avantages au Chili et à ce continent, durant la conférence et longtemps après.
Mesdames et Messieurs. En mars prochain, nous fêterons le 30e anniversaire de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction. En 30 ans, j'estime que la CITES est devenue un accord très important et l'instrument juridique international le plus efficace dans le domaine de la conservation de la nature. Au cours de cette session, nous aurons l'occasion d'accueillir officiellement deux nouvelles Parties, portant à 160 le nombre total des Parties. A maints égards, la CITES est plus efficace que jamais.
Malheureusement, nous avons également de sérieux motifs de préoccupation. Il existe un décalage très inquiétant et de plus en plus marqué entre les activités toujours plus nombreuses et les résultats que les Parties, entre autres, attendent de la CITES et de son Secrétariat, et les moyens à disposition pour répondre à ces attentes. Les décisions budgétaires seront donc parmi les plus importantes de cette session. Elles montreront l'importance que nous accordons à la conservation de la faune et de la flore sauvages. Elles montreront aussi l'importance que nous accordons à la Convention et le rôle qu'elle sera à même de jouer pour la conservation et la gestion des espèces sauvages dans les pays en développement producteurs d'espèces sauvages.
En l'absence du financement de base indispensable, la CITES ne peut pas exploiter pleinement son potentiel considérable et nous risquons d'abandonner non seulement les nombreuses espèces végétales et animales sauvages auxquelles nous semblons attacher tant d'importance mais aussi le monde en développement qui lutte pour protéger ces espèces des nombreuses menaces qui pèsent sur elles.
Au Secrétariat, nous ne ménageons ni notre temps ni nos efforts pour obtenir des contributions volontaires supplémentaires au fonds d'affectation spéciale. Cela nous permet de réaliser des projets supplémentaires importants mais nos activités ne devraient pas dépendre davantage encore de ces contributions volontaires. Il n'est pas judicieux de prendre des décisions importantes en faisant dépendre leur mise en œuvre de fonds externes. Il n'est pas judicieux de dépendre de contributions volontaires car cela empêche de préparer et de planifier des projets importants. Ce n'est pas judicieux surtout en raison des faux espoirs ainsi suscités dans les pays en développement. Combien de décisions n'a-t-il pas été possible de mettre en œuvre dans le passé faute de financement? C'est pourquoi je prie instamment les Parties de mettre un terme à cette évolution négative et de fournir les fonds nécessaires à l'application des décisions en même temps qu'elles prennent ces décisions.
La présence d'un si grand nombre de représentants d'organisations non gouvernementales et des médias indique clairement l'importance que les citoyens du monde entier attachent à la CITES. Le monde nous observe. Nous ne pouvons nous permettre de le décevoir. Nous ne devons pas le décevoir.
Parmi les décisions importantes que nous aurons à prendre il y a, bien entendu, celles qui ont trait au degré de protection que nous accordons aux espèces. Celles qui ont fait l'objet des débats les plus animés de toute l'histoire de la CITES sont, sans aucun doute, les éléphants et les baleines. Ces espèces figurent à nouveau en tête de l'ordre du jour de cette session et attireront, une fois de plus, l'essentiel de l'attention. Je suis convaincu que cette session parviendra à de sages conclusions et saura prendre les bonnes décisions même lorsque les principes, les opinions et les convictions sont très divergentes. La CITES a pour tradition de discuter de questions difficiles avec beaucoup de respect et de compréhension pour les autres points de vue, aussi différents soient-ils. Je pense que cette tradition sera maintenue ici. Comme dans tout processus démocratique, il y aura des compromis et des décisions prises à la majorité contre la minorité. Ainsi, tous n'obtiendront pas ici ce qu'ils attendent. Pourtant, si les débats sont ouverts et équitables, tous devraient pouvoir accepter les résultats du processus et, dans deux semaines, penser à cette session avec satisfaction.
Je sais que la sagesse, les connaissances et l'expérience des présidents de la session et des Comités sont une garantie pour qu'au cours des discussions, chacun ait une chance d'exprimer son point de vue. Je souhaite aux présidents le plein succès et bien du courage. L'ordre du jour est extrêmement chargé et le programme de travail proposé ne pourra pas être mené à bien sans effort. Je compte sur tous les participants pour qu'ils aident les présidents dans cette tâche difficile. Quant à moi et à mes collègues, nous ferons, bien entendu, tout notre possible pour leur faciliter la tâche.
En avril 2000, à la 11e session de la Conférence des Parties, nous avons adopté à l'unanimité une ambitieuse Vision d'une stratégie jusqu'en 2005. Nous sommes à mi-chemin et bon nombre des objectifs fixés dans le plan n'ont pas encore été atteints. Aussi, je prie instamment toutes les Parties de lui accorder, d'ici à 2005, l'intérêt qu'il mérite. Laissez-moi simplement vous rappeler l'objectif premier de la Vision d'une stratégie: "garantir qu'aucune espèce de la faune ou de la flore sauvage ne fait ni fera l'objet d'une exploitation non durable du fait du commerce international". Ayant cette simple devise à l'esprit, nous devrions être capables de prendre les décisions appropriées sur toutes les propositions qui nous sont soumises. Et, des propositions, il y en a certainement pour tous les goûts.
Il n'y a pas moins de 60 propositions d'amendements aux annexes CITES, visant à augmenter ou à diminuer le degré de protection accordé aux espèces au titre de la Convention. Il y a également un nombre impressionnant de documents et de rapports à traiter durant cette session - quelque 87 propositions de résolutions et de décisions. Je suis certain que pour tout le monde, ce fut un véritable défi que de se préparer à tout cela au cours d'une année par ailleurs riche en réunions internationales touchant à l'environnement.
Les chiffres que j'ai mentionnés et la difficulté évidente pour nous tous de traiter toutes ces propositions appellent quelques observations:
Je voudrais tout d'abord réitérer ma crainte que la CITES ne soit devenue trop compliquée à mettre en œuvre et à faire respecter et je voudrais souligner la nécessité de revenir à l'essentiel, aux choses qui comptent réellement et sur lesquelles nous devons nous concentrer. Il y a trop de résolutions et de décisions à prendre en compte et, souvent, il est absolument impossible de comprendre pourquoi nous avons compliqué les choses à ce point et ce que certaines mesures apportent aujourd'hui à la conservation. Le Secrétariat a préparé un document qui entame un processus pour éliminer les complications et la paperasse inutiles. Je vous exhorte à réfléchir sérieusement au coût des mesures prises dans le passé, au coût des décisions que nous avons l'intention de prendre ces deux prochaines semaines et aux avantages que ces décisions ont, ou n'ont pas, pour la conservation des espèces sauvages. Je participe aux activités de la CITES depuis suffisamment longtemps pour savoir que certains pays, certaines ONG, voire certaines personnes, sont fiers de ce qu'ils considèrent comme leurs résolutions, parce qu'à un moment donné, ils les ont proposées. J'en ai à mon actif quelques-unes qui remontent à ma vie antérieure mais je propose d'être le premier à les déchirer si nous estimons aujourd'hui qu'elles n'apportent plus de contribution significative à la conservation.
Il existe des problèmes de mise en œuvre et de respect de la Convention chez toutes les Parties, sans exception. Les nombreux projets et études en cours du Secrétariat et de ses partenaires et les rapports qui seront présentés à cette session le démontrent. Les problèmes de respect de la Convention résultent, pour beaucoup, d'un manque de ressources mais aussi de dispositions trop compliquées et du fait que le public comprend mal les tenants et les aboutissants des réglementations. Nous avons toute latitude pour simplifier les choses et les rendre moins coûteuses et, ce faisant, je pense que nous pouvons simplifier notre travail de façon spectaculaire tout en accroissant l'efficacité de la Convention, en particulier dans, et pour, les pays en développement producteurs d'espèces sauvages.
Ma deuxième observation concerne les ressources nécessaires au niveau national pour financer un nombre croissant de réunions internationales organisées dans un nombre de plus en plus important de forums dans le domaine de l'environnement. Cela requiert évidemment davantage de coordination. J'ai donc participé activement ces deux dernières années aux débats sur la gouvernance internationale de l'environnement, qui auraient dû aboutir à des résultats et à des décisions concrètes au Sommet mondial sur le développement durable, ce qui n'a malheureusement pas été le cas.
Je suis heureux que nous ayons réussi à réunir des sommes d'argent importantes pour financer notre projet de parrainage des délégués. Nous avons pu aider pas moins de 95 pays à participer à cette session et je suis très reconnaissant à tous ceux qui ont versé une contribution. Ce type de collecte de fonds nécessite un temps et des efforts considérables et la réticence de plusieurs donateurs à investir dans le parrainage des délégués pour qu'ils puissent participer à des réunions internationales semble liée au nombre croissant de réunions.
Le Secrétariat propose de tenir la prochaine session de la Conférence des Parties en 2004, puis tous les trois ans seulement. Cette décision répond aux préoccupations de nombreux pays face au nombre de conférences à préparer et auxquelles ils doivent participer. Elle nous permettra aussi d'adopter des budgets de trois ans, remplaçant le système actuel qui prête à confusion du fait de l'alternance de périodes budgétaires de deux et de trois ans. Elle aura encore un effet positif sur le budget lui-même puisqu'il y aura une session de moins tous les 15 ans.
Lorsqu'on parle de la disponibilité de ressources limitées, il convient de mentionner le manque de priorité politique accordée aux questions CITES en général dans plusieurs pays producteurs et consommateurs de faune et de flore sauvages. Les autorités scientifiques et les organes de gestion CITES sont souvent plus mal lotis que leurs collègues d'autres ministères et sont privés des moyens les plus essentiels. Le manque de moyens pour participer à des réunions importantes est symptomatique de ce problème. Nous avons tous le devoir, organisations non gouvernementales et médias compris, de mieux sensibiliser les hommes politiques et le grand public afin que la CITES ait un impact visible et positif sur la conservation de la nature, sur la réduction de la pauvreté et sur le développement durable et pour que l'investissement dans ces domaines semble valable. Oui, il y a un prix à payer. Si la communauté mondiale veut que les animaux et les plantes sauvages du monde en développement soient des ressources à partager et si elle veut aussi partager les responsabilités, alors le coût de la gestion et de la conservation de ces espèces doit lui aussi être partagé.
J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est offerte ici pour exprimer ma grande admiration pour tous ceux qui s'occupent de gestion et de conservation de la nature sur le terrain et qui risquent leur vie chaque jour, souvent en grande partie en raison du niveau insuffisant de priorité politique et d'une pénurie de ressources et d'équipements. Cette réunion devrait rendre un hommage spécial à tous les hommes et à toutes les femmes de terrain - gardes-chasse et douaniers, police et institutions spécialisées en première ligne de la CITES. Ils font appliquer nos décisions et sans eux et leur engagement, la Convention ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui: une convention qui fait une réelle différence pour la conservation de la nature.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs. Durant cette session, nous aurons l'occasion de prendre des décisions cruciales, en plus des décisions financières importantes que je viens d'évoquer, sur des questions de principe pour l'avenir de la Convention. Permettez-moi d'en citer quelques-unes:
La Conférence des Parties a à maintes reprises confirmé que la CITES pouvait inscrire n'importe quelle espèce de faune et de flore sauvages, indépendamment des responsabilités incombant à d'autres organisations. Je suis fermement convaincu que la CITES doit s'impliquer là où elle peut ajouter de la valeur aux initiatives de conservation prises aux termes d'autres accords. Je suis également fermement convaincu que la CITES ne devrait pas s'impliquer lorsqu'elle ne peut pas ajouter de valeur. Je pense que l'heure est venue pour la CITES d'entrer dans le secteur de la pêche commerciale et des essences et de coopérer étroitement et joindre ses forces à celles d'organisations telles que la FAO, la CCAMLR et l'OIBT. Nous devons, et pouvons, nous compléter en poursuivant l'objectif commun d'atteindre des niveaux durables de prélèvement et de commerce. A cet effet, la CITES doit entreprendre plusieurs actions:
Nous devons éliminer la crainte largement répandue selon laquelle l'inscription à la CITES est synonyme de fin du commerce international ou de la pêche et de la foresterie commerciales. Des exemples récents prouvent que ce n'est pas le cas. Nous devons expliquer que la CITES - malgré son nom - ne s'occupe pas seulement d'espèces menacées d'extinction mais qu'elle peut garantir la production durable de produits de consommation. Nous devons nous doter de critères d'inscription qui nous permettent d'inscrire un large éventail d'animaux et de plantes sauvages conformément aux besoins de leur conservation et qui tiennent compte des différences biologiques entre les espèces. Vous êtes saisis de propositions qui traitent de tous ces problèmes.
Un nombre important de documents en anglais, espagnol et français ont été préparés pour vous. Je dois absolument mentionner le travail considérable accompli par mes collègues du Secrétariat pour cette session, en plus du nombre croissant de tâches qu'ils doivent mener à bien quotidiennement. Je suis extrêmement fier de l'équipe fantastique que nous avons au Secrétariat et je lui suis très reconnaissant pour son dévouement et les nombreuses heures supplémentaires sans compensation qui en résultent. Je vous assure que chacun d'eux, et moi aussi, bien entendu, avec nos interprètes, rapporteurs et nombreux amis chiliens dont la compétence n'est plus à prouver, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette réunion soit couronnée de succès.
Malgré le volume de documents de session, la CITES est peut-être l'unique convention qui distribue encore aux participants des exemplaires imprimés avant puis au début des sessions. Les sacs à dos distribués lors des session de la CITES sont parmi les plus solides et les plus convoités. Je suis reconnaissant aux sponsors dont le nom figure sur ces sacs pour cet appui très pratique.
Grâce à notre site Internet, vous avez cette fois eu accès à des informations avec une rapidité sans précédent. Les recommandations du Secrétariat sur les propositions, les commentaires des Parties et de plusieurs organisations internationales et non gouvernementales constituent une base complète mais diversifiée en faveur de votre participation à cette réunion. Je suis sûr que vous ferez le bon choix entre les différentes options qui vous sont proposées.
Les sessions de la CITES sont une occasion unique de rencontrer plusieurs centaines de personnes impliquées dans la conservation de la nature partout dans le monde, de renouer des contacts et de conclure de nouvelles amitiés. Je suis sûr que cet aspect de la conférence vous plaît également, d'autant plus que les nombreuses propositions importantes et parfois sujettes à controverse dont nous sommes saisis ne laisseront pas de vous stresser ces deux prochaines semaines. Je vous recommande donc de passer le week-end du milieu de la session à reprendre votre souffle et à admirer la beauté du Chili. Pour votre propre bien, évitez de créer des groupes de travail et des groupes de rédaction qui devront se réunir ce week-end. Pour contribuer personnellement à réduire le risque de réunions pendant le week-end, j'arrêterai ici mon intervention.
Je vous souhaite une session couronnée de succès et qui vous apporte de grandes satisfactions.
Je vous remercie de votre attention et une fois encore:
Muchas gracias Chile.